aimer (2) - couler (2) - être - garder (2) - se hâter - jouir - laisser - oublier - parler - prendre - regarder - suspendre (2)
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages Dans la nuit éternelle emportés sans retour Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges Jeter l'ancre un seul jour?
Ô lac! L'année à peine a fini sa carrière Et près des flots chéris qu'elle devait revoir ! Je viens seul m'asseoir sur cette pierre Où tu la vis s'asseoir!
Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes Sur ses pieds adorés.
Un soir, t'en souvient-il? Nous voguions en silence On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence Tes flots harmonieux.
Tout à coup des accents inconnus à la terre Du rivage charmé frappèrent les échos Le flot fut attentif et la voix qui m'est chère Laissa tomber ces mots:
Ô temps! ton vol, et vous, heures propices votre cours -nous savourer les rapides délices Des plus beaux de nos jours!
Assez de malheureux ici-bas vous implorent , pour eux avec leurs jours les soins qui les dévorent les heureux.
Mais je demande en vain quelques moments encore Le temps m'échappe et fuit Je dis à cette nuit: plus lente et l'aurore Va dissiper la nuit.
donc! donc! De l'heure fugitive , L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive Il coule, et nous passons!
Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur S'envolent loin de nous de la même vitesse Que les jours de malheur?
Eh quoi! N'en pourrons-nous fixer au moins la trace Quoi! Passés pour jamais! Quoi! Tout entiers perdus Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface Ne nous les rendra plus?
Éternité, néant, passé, sombres abîmes Que faites-vous des jours que vous engloutissez ! Nous rendrez-vous ces extases sublimes Que vous nous ravissez?
Ô lac, rochers muets, grottes, forêt obscure Vous, que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir de cette nuit, belle nature Au moins le souvenir!
Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux Et dans ces noirs sapins et dans ces rocs sauvages Qui pendent sur tes eaux.
Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface De ses molles clartés.
Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire Que les parfums légers de ton air embaumé Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire Tout dise: ils ont aimé!